Violence et contrôle : les nouvelles règles bousculent le quartier Marbotin à Schaerbeek
Après la fusillade mortelle du 8 novembre dans la cité de logements sociaux de Marbotin, la bourgmestre de Schaerbeek a décrété l’interdiction des rassemblements de plus de cinq personnes 24 h/24 dans un périmètre précis. Au cœur du dispositif, un pari sur la répression policière pour freiner le trafic de drogue, mais aussi la promesse d’un accompagnement social et urbain pour ne pas sacrifier les habitants.
Un quartier miné par le trafic et la violence
Le 8 novembre, vers 21 h 20, des coups de feu retentissent au coin de la chaussée de Haecht à Schaerbeek. Un jeune homme de 25 ans est grièvement blessé et décède à l’hôpital. Cet épisode vient clore une série d’incidents qui secouent le quartier Marbotin depuis plusieurs semaines. Au début d’octobre, des tirs à l’arme de guerre avaient déjà visé la façade d’un immeuble sans faire de blessés, tandis que jets de projectiles et bagarres à l’arme blanche se multipliaient entre trafiquants et guetteurs. En toile de fond, un trafic de stupéfiants organisé autour des blocs de logements sociaux, une économie parallèle qui prospère dans des espaces peu surveillés.
Une ordonnance contre les rassemblements pour faciliter l’action policière
Concrètement, l’ordonnance signée par la bourgmestre Audrey Henry interdit à toute personne de se regrouper par groupes de plus de cinq dans l’espace public du périmètre délimité entre la chaussée de Haecht, la rue du Tilleul, la rue Joseph Wauters et l’avenue Docteur Dejase. Cette mesure, prise pour trois mois renouvelables, offre aux forces de l’ordre une base légale immédiate pour disperser les attroupements suspects, sans devoir systématiquement recourir à des mises en garde ou des contrôles plus lourds. Parallèlement, la commune a formulé une demande auprès de la Région bruxelloise pour inscrire Marbotin sur la liste des « hotspots », ces zones prioritaires pour la lutte antidrogue. À terme, cette labellisation devrait permettre des opérations de police renforcées et l’arrivée de moyens supplémentaires pour démanteler les réseaux de trafic.
Débats sur les libertés publiques et la stigmatisation
Mais l’interdiction de rassemblement ne fait pas l’unanimité. Plusieurs associations et défenseurs des droits pointent un risque de disproportion : comment distinguer un groupe d’habitants qui discute sur un banc d’un groupe de vendeurs de drogue ? Selon eux, l’ordonnance crée un cadre propice au profilage et à la stigmatisation des résidents, dont la liberté fondamentale de réunion est remise en cause. Certains craignent également que les trafiquants ne se déplacent vers d’autres quartiers, sans jamais régler la cause profonde de la délinquance. Enfin, la mesure reste temporaire et focalisée sur la répression : si aucune stratégie de long terme n’est définie, le même cycle de violence pourrait reprendre à son expiration.
Renforcer le lien social : travailleurs de rue et amélioration du cadre de vie
Pour tempérer l’aspect répressif, la commune annonce un renforcement de la présence des travailleurs sociaux de rue et une augmentation du nombre de patrouilles de gardiens de la paix. En pratique, ces acteurs doivent à la fois repérer les situations à risque, dialoguer avec les jeunes du quartier et orienter ceux qui le souhaitent vers des structures d’insertion ou de formation. Le Foyer schaerbeekois, gestionnaire des logements, s’est engagé à améliorer la sécurité du cadre de vie : les murets intérieurs susceptibles de servir de projectiles ont été enlevés, l’éclairage de la cour sera renforcé et les arbres élagués pour améliorer la visibilité. À moyen terme, la fermeture des accès de la cour fait l’objet de réflexions, afin de réduire les points de passage non contrôlés.
Perspectives et enjeux à long terme
Au-delà de l’urgence, la question reste de savoir si ces mesures suffiront à transformer durablement le quartier Marbotin. L’enjeu est double : conjurer l’escalade de la violence et préserver le tissu social. Plusieurs acteurs locaux insistent sur la nécessité d’investir parallèlement dans l’emploi, la formation et le logement, pour offrir des alternatives au trafic de stupéfiants. La Région bruxelloise et la commune devront aussi coordonner leurs plans de prévention, comme le lancement de cours sportifs ou culturels, pour maintenir la vie de quartier. À terme, le succès de l’opération dépendra de l’équilibre entre dispositifs coercitifs et politiques sociales : sans création d’opportunités, la seule répression risque d’être un pansement sur une plaie profonde.


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