Les Engagés rompent avec le MR à Bruxelles et se lancent après 550 jours de crise

par | 11 Déc 2025 | Actualité de Bruxelles

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À Bruxelles, les Engagés tournent le dos au MR et cherchent une majorité sans lui

Après 550 jours de crise politique, le président des Engagés, Yvan Verougstraete, endosse le rôle de formateur pour tenter de bâtir un gouvernement bruxellois hors MR. Face à une coalition à 43 sièges qui ne garantit pas la majorité, il mise sur des accords de dernière minute et des réformes structurelles pour débloquer la situation.

Une crise persistante après les élections de juin 2024

Depuis les élections régionales de juin 2024, Bruxelles patauge dans l’impasse. Le MR, arrivé en tête, n’a jamais réussi à rassembler suffisamment d’alliés pour obtenir la majorité de 45 députés sur les 89 que compte l’assemblée bruxelloise. En l’absence de coalition claire, les institutions régionales sont dans l’incapacité d’adopter des budgets et de mener à bien des réformes essentielles. Cette paralysie vient s’ajouter aux défis structurels que connaît la Région-capitale : déséquilibres budgétaires, déficits chroniques, besoins en matière de mobilité et de sécurité, sans oublier la complexité du double enjeu linguistique et communautaire.

Au fil des mois, les partenaires francophones et néerlandophones ont multiplié les rencontres sans succès. Les divergences idéologiques – plus libérales au MR, plus sociales au PS et à Ecolo, plus progressistes au DéFI – ont creusé le fossé. Du côté flamand, l’Open VLD s’est montré réticent à collaborer sans la présence incontournable de la N-VA, tandis que Groen, Vooruit et CD&V envisageaient volontiers des alliances sans le MR. Avec le blocage persistant, la Région bruxelloise a accumulé les incidents dans la gestion quotidienne, donnant l’image d’une capitale européenne à l’arrêt.

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Le pari Verougstraete : sept partis, mais toujours pas de majorité

Ce jeudi, Yvan Verougstraete, président des Engagés, a décidé de prendre la casquette de formateur. Son objectif : réunir une coalition à sept partis, capable, selon ses calculs, de porter un projet alternatif au MR. Côté francophone, il mise sur le PS, Ecolo et DéFI ; côté néerlandophone, il souhaite convaincre Groen, Vooruit et CD&V. Cette alliance théorique totaliserait 43 sièges sur 89, soit deux de moins que le seuil de la majorité absolue.

Pour combler ce déficit, Verougstraete exige le soutien de l’Open VLD et des deux députés indépendants Fabian Maingain (ex-DéFI) et Soulaimane El Mokadem (ex-PTB). « Concrètement, si nous ne changeons pas de dynamique, nous n’obtiendrons pas de résultat », a-t-il écrit dans sa lettre aux Bruxellois. Mais les négociations s’annoncent périlleuses : l’Open VLD, sous la houlette de Frédéric De Gucht, a déjà exclu de gouverner sans la N-VA, tandis que les deux indépendants pourraient se montrer volatils selon les sujets mis sur la table.

Fragilités et objections : légitimité et stabilité en jeu

Plusieurs objections pèsent sur le plan de Verougstraete. D’abord, la question de la légitimité démocratique : le MR, parti vainqueur, se voit écarté du pouvoir malgré le verdict des urnes. Beaucoup y verront un déni de démocratie et risquent de contester cette exclusion devant le Conseil d’État ou au parlement fédéral. Ensuite, une coalition minoritaire s’appuyant sur des soutiens informels est souvent instable : les désaccords idéologiques entre écologistes, socialistes et centristes libéraux peuvent apparaître dès les premières décisions budgétaires ou systémiques.

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À terme, cette majorité à 43 sièges pourrait s’effriter au moindre vote important, obligeant le gouvernement à multiplier les arrangements de dernière minute, et donc à retarder encore l’adoption des mesures urgentes. En parallèle, le MR ne manquera pas de jouer les trouble-fête, en dénonçant le « hold-up démocratique » et en réclamant son retour dans la majorité. Quant à l’Open VLD, son refus de pactiser sans la N-VA témoigne de la sensibilité de l’électorat flamand qui, dans d’autres régions, a déjà vu naître des gouvernements minoritaires reposant sur des accords ponctuels plutôt que sur un véritable programme commun.

Enjeux démocratiques et budgétaires : pourquoi agir vite

Au-delà des manœuvres politiciennes, Bruxelles fait face à une urgence : redresser ses comptes. Le formateur conditionne sa participation à la mise en place de réformes structurelles d’au minimum un milliard d’euros d’économies ou de recettes nouvelles. Parmi les pistes évoquées figurent la refonte du système de dotations aux communes, la rationalisation des subventions culturelles et associatives, ainsi qu’une optimisation des services de mobilité. Sans accord rapide, la Région risque de voir son déficit se creuser, menaçant sa capacité d’investissement et la qualité des services publics.

Par ailleurs, l’arrêt de la paralysie politique est indispensable pour répondre aux attentes des Bruxellois : maintien des écoles ouvertes, plan de rénovation des bâtiments énergivores, renforcement de la sécurité de proximité et poursuite de la modernisation des transports en commun. « L’heure n’est plus aux jeux politiques », insiste Verougstraete. Il évoque « la pure folie » de répéter toujours les mêmes erreurs, soulignant que Bruxelles ne peut plus attendre. La pression est d’autant plus forte que la capitale européenne n’a pas le loisir d’une vacance gouvernementale prolongée, sous peine de perdre en attractivité économique et en clarté décisionnelle.

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Quelles perspectives pour l’avenir immédiat ?

Verougstraete a annoncé des réunions ce vendredi et durant le week-end avec chacun des partenaires potentiels. Il reste ouvert à un autre leader si quelqu’un proposait une meilleure dynamique. Si ces rencontres échouent, les partis devront envisager d’autres options : soit revenir vers le MR et tenter un compromis, soit persister dans les blocages et laisser Bruxelles dans l’incertitude. Un nouvel échec relancerait immanquablement les appels à une réforme du mode de désignation du gouvernement régional, voire des expérimentations de majorités « à la carte » sur certains thèmes clés.

En pratique, tout dépendra de la capacité des sept partis à se mettre d’accord sur un accord de gouvernement clair, assorti de garanties sur la trajectoire budgétaire. La participation effective d’au moins deux députés indépendants sera un élément décisif. À défaut, Bruxelles pourrait se diriger vers une forme de gouvernement minoritaire adossé à un soutien ponctuel, comme on l’a déjà vu dans plusieurs capitales européennes où l’équilibre politique est instable. Reste à voir si cette stratégie de rupture avec le MR saura finalement débloquer la situation, ou si elle ne prolongera qu’un peu plus la crise institutionnelle de Bruxelles.

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